Infrastructures, modification de la Constitution… Pourquoi ces manifestations contre le pouvoir au Togo
Les Togolais sont de nouveau sortis dans la rue ce jeudi 26 juin pour protester contre le pouvoir et demander “la démission de Faure Gnassingbé”.
Depuis 2017, les manifestations sont rares au Togo mais la police a réprimé ce jeudi des groupes de manifestants dispersés dans la capitale Lomé. “J’ai décidé de tout fermer en soutien aux manifestations déclenchées pour libérer notre pays, car trop, c’est trop. Nous voulons le changement”, a expliqué à l’Agence France-Presse, Hélène, une commerçante du quartier de Hedzranawoé.
Manque d’emplois, précarité des infrastructures… La colère est globale et la question des conditions de vie est au cœur de la contestation. L’état des routes est également jugé médiocre, alors que la saison des pluies commence au Togo et que les routes se retrouvent totalement inondées.
Un autre pans de la mobilisation vient de l’augmentation du prix de l’énergie annoncée en mai. “Il y a eu +12,5% d’augmentation des frais d’électricité et les Togolais ne l’ont pas digéré. Ils sont obligés de payer cher pour un service dont ils ne bénéficient pas en termes de qualité. Parce qu’il y a beaucoup de perte d’énergie, elle n’arrive pas à destination, et ce sont des pratiques qui permettent de détourner des fonds”, expliquait à TV5Monde, au début du mois de juin, Mohamed Madi Djabakaté, politique et essayiste.
En conséquence, “beaucoup de services en rapport avec l’électricité ont subi des augmentations. Les Togolais ont donc compris que la politique menée a un impact concret sur leur quotidien. Selon des analyses économiques, l’augmentation du prix de l’électricité pourrait entraîner une inflation de 10% à 15% dans les mois à venir”, commentait-il.
“Des procédures législatives opaques”
Dans le pays, où Faure Gnassingbé, président après avoir succédé à son père en 2005, a récemment consolidé son pouvoir grâce à une réforme constitutionnelle, les manifestations sont pourtant interdites depuis 2022. Une interdiction qui est intervenue après une attaque meurtrière au grand marché de Lomé. Les meetings eux, restent autorisés.
Le 19 avril 2025, les parlementaires togolais ont adopté un changement de la Constitution. Désormais, pour élire le président, le suffrage universel direct n’est plus nécessaire. Autre changement: le pays est transformé en un système parlementaire où la limite de mandats présidentiels est supprimée. Elle était jusque-là fixée à deux.
Selon le centre d’études stratégiques de l’Afrique, Africa Center, “ce changement fondamental du système de gouvernance du Togo, qui limite les droits politiques des citoyens, n’a pas été adopté par référendum, mais par le parti au pouvoir depuis longtemps et ce, via des procédures législatives opaques.”
Au micro de RFI, Sambirini Targone, coordinateur de la dynamique pour la majorité du peuple au Togo, a réagi : “En violant cette Constitution, qui est la loi fondamentale du pays, on déstabilise le pays. En ce moment les populations se disputent des nourritures avariées. Quand on fait le bilan de Faure Gnassingbé, après avoir dépensé 15000 milliards de Francs CFA et une dette de 4000 milliards, qu’est-ce que l’argent a servi à faire ?”
“Touche pas à ma Constitution”
Jeudi 26 juin, un fort dispositif policier quadrillait plusieurs quartiers de la capitale, après la dispersion avec des gaz lacrymogènes de groupes de manifestants.
Début juin, des manifestations ont été lancées sur les réseaux sociaux par des influenceurs de la diaspora togolaise et des militants de la société civile pour protester contre le pouvoir. Il n’y a pas d’organisation politique leader de ce mouvement.
Les récentes manifestations avaient notamment été initiées par le rappeur Aamron, critique du pouvoir. Il avait été arrêté fin mai avant de réapparaître dans une vidéo le 5 juin, depuis un hôpital psychiatrique où il présentait des excuses envers Faure Gnassingbé.
Lors des mouvements du début du mois, une cinquantaine de personnes ont été arrêtées puis libérées. Des journalistes qui couvraient les manifestations ont été brièvement interpellés et contraints par les forces de l’ordre d’effacer leurs images.
Un regroupement de partis politiques de l’opposition et de la société civile, le Front “Touche pas à ma Constitution”, a affirmé “condamner avec la plus grande fermeté les arrestations massives et arbitraires perpétrées les 5 et 6 juin 2025″.
”Ces arrestations “sont l’expression d’un pouvoir aux abois qui préfère la violence à l’écoute, la répression à l’apport de solutions aux préoccupations des citoyens”, a-t-il estimé.
Malgré la répression et les risques, les Togolais n’ont pas plié. De nouveaux appels à manifester ont été lancés sur les réseaux sociaux pour les prochains jours pour demander “la démission de Faure Gnassingbé”.
Source: https://information.tv5monde.com/afrique