Au Togo, RFI et France 24 suspendus pendant trois mois
L’instance de régulation togolaise justifie cette mesure par « des manquements répétés, déjà signalés et formellement rappelés, en matière d’impartialité, de rigueur et de vérification des faits ». Le pays est classé 121ᵉ rang sur 180 dans le classement 2025 de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.
Les diffusions de Radio France internationale (RFI) et de la chaîne de télévision France 24 ont été suspendues au Togo pour trois mois, a annoncé l’instance de régulation des médias du pays, lundi 16 juin.
Dans sa décision dont l’Agence France-Presse a eu copie, la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) du Togo pointe trois reportages ou interventions, dont la diffusion sur France 24 d’un entretien dans lequel « des propos inexacts ont été tenus au sujet de conditions alléguées dans lesquelles l’artiste Aamron aurait été interpellé ». Ce rappeur, critique du pouvoir, avait notamment appelé à manifester avant d’être arrêté fin mai, puis de réapparaître, le 5 juin, dans une vidéo tournée dans un hôpital psychiatrique dans laquelle il présentait des excuses envers M. Gnassingbé.
L’instance de régulation relève également des « prises de position publiques de la correspondante régionale de France 24 appelant à la mobilisation contre les institutions républicaines », et des propos relayés dans le journal Afrique et dans une chronique de RFI « présentant un caractère tendancieux ».
La HAAC ajoute que cette mesure de suspension « fait suite à des manquements répétés, déjà signalés et formellement rappelés, en matière d’impartialité, de rigueur et de vérification des faits ». « Le pluralisme des opinions n’autorise pas la diffusion de contre-vérités ni la présentation partiale de l’actualité. La liberté de la presse ne saurait être synonyme de désinformation ou d’ingérence », poursuit l’institution.
Cette décision vient réduire un peu plus l’espace de diffusion en Afrique de l’ouest de ces deux médias publics français, suspendus depuis plusieurs années au Mali, Burkina Faso et Niger, trois pays sahéliens dirigés par des juntes militaires. Le Togo est au 121e rang sur 180 dans le classement 2025 de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, en recul de huit places par rapport à 2024.
Des journalistes interpellés lors de manifestations contre le pouvoir
Cette suspension intervient une dizaine de jours après des manifestations contre le pouvoir qui ont secoué Lomé, la capitale. Début juin, des manifestations lancées sur les réseaux sociaux par des jeunes et des militants de la société civile avaient pour objet de protester contre le régime, dirigé par Faure Gnassingbé depuis 2005. Les manifestants s’exprimaient contre des arrestations de voix critiques, la hausse du prix de l’électricité.
Un autre grief adressé à Faure Gnassingbé porte sur la nouvelle Constitution, adoptée en avril 2024, qui lui permet de consolider son pouvoir désormais au sein d’un régime parlementaire dont il occupe la plus haute fonction, celle de président du Conseil. Cette réforme constitutionnelle cristallise les tensions au Togo, l’opposition et la société civile accusant M. Gnassingbé de vouloir rester indéfiniment à la tête de l’Etat, les autorités répondant que la réforme constitutionnelle vise plutôt à « dépersonnaliser » le pouvoir et à renforcer « l’unité nationale et la cohésion du pays ».
Lors des manifestations, la police a arrêté une cinquantaine de personnes avant de les libérer, selon le procureur qui précisait la semaine dernière que « quelques-unes » encore détenues allaient être rapidement présentées au parquet. Des journalistes qui couvraient les manifestations ont été brièvement interpellés et contraints par les forces de l’ordre d’effacer leurs images. De nouveaux appels à manifester ont été lancés sur les réseaux sociaux, pour les 26, 27 et 28 juin.
AFP