Jonas Siliadin (MPDD): “Il est crucial que notre parti survive à la disparition de son fondateur”
Deuxième vice-président du Mouvement populaire pour la démocratie et le développement (MPDD), Jonas Siliadin ne cache pas son ambition d’en prendre la présidence après la mort de son mentor Agbeyomé Kodjo. A condition, comme l’intéressé le martèle, que ce soient les cadres et militants qui le lui demandent.
Cette interview a été publiée dans les colonnes du journal Le Détective il y a quelques jours. Votre organe la reprend afin que ses lecteurs puissent cerner la vision du probable futur successeur de l’ancien Premier ministre.
Vous êtes le 2è Vice-président du Mouvement Populaire pour la Démocratie et le Développement (MPDD), parti fondé par le Dr Gabriel Messan Agbéyomé KODJO dont vous avez été un fidèle collaborateur. Vous avez notamment occupé les postes de Chef de Cabinet à la Primature, et lorsqu’il était Président de l’Assemblée. Avant de parler de l’homme qu’était feu Dr Gabriel Messan Agbéyomé KODJO et de votre parti politique, vous avez appris la disparition de Mgr Yves Nicodème Anani Bénissan BARRIGAH. Comment avez-vous accueilli l’information relative à son décès ?
En effet, après avoir pris connaissance du décès de Monseigneur Barrigah, le bureau politique a immédiatement adressé une lettre de condoléances à sa famille biologique, à la Conférence épiscopale du Togo ainsi qu’à la communauté catholique. Avec Monseigneur Barrigah, le clergé et l’Église catholique du Togo, mais aussi la nation toute entière, perdent un illustre fils et un représentant de grande valeur. Nous retenons de lui sa philosophie qui consistait à demander à chacun de faire sa part, aussi minime soit-elle, mais de le faire avec dévotion, avec dévouement et avec conviction. Nous nous inclinons devant sa mémoire et prions pour le repos de son âme.
Trois personnalités de taille du Togo sont mortes dans l’intervalle de quelques mois cette année 2024, je veux citer feu Gabriel Messan Agbéyomé KODJO et les deux religieux, serviteurs de Dieu. Que dites-vous de tous ces décès à un moment où les attentes de la population togolaise, qui aspire à l’alternance politique au sommet de l’État, sont énormes?
Je pense qu’il est important de ne pas chercher à établir un lien direct entre ces décès. Bien que cela puisse étonner et surprendre, c’est le cours naturel de la vie. Les croyants diront que c’est le Créateur qui donne la vie et qui la reprend au moment qu’il juge opportun. Il est certes regrettable que ces grandes figures, qui ont toutes, à leur manière, œuvré pour l’alternance et le changement politique, n’aient pas vu leurs rêves se concrétiser. Il nous appartient maintenant, à nous, de continuer ce travail de manière plus structurée et avec une détermination accrue, afin de réaliser ce projet d’un Togo démocratique, républicain et prospère.
Quel souvenir gardez-vous du feu Dr Agbéyomé KODJO et du feu Mgr Philippe Fanoko KPODZRO?
Le Président Kodjo était un humaniste convaincu. Dans tous ses actes, il plaçait l’Homme au centre de ses projets. Il a été marqué très tôt par les difficultés de son environnement social, ce qui l’a poussé à se mettre au service de l’action publique. Il était un grand travailleur, doté de nombreuses compétences, d’une grande énergie et d’une générosité sans égale. Il avait aussi le courage de défendre ses convictions jusqu’au bout. Je garde le souvenir d’un homme humaniste, de conviction et de courage. Quant à Mgr Kpodzro, bien que je ne l’aie pas aussi bien connu personnellement, je l’ai rencontré en tête-à-tête une fois en février 2019. Il partageait avec le Président Kodjo les qualités d’humanisme, de conviction et de courage.
Que se passe-t-il dans votre formation politique au point qu’on note déjà la démission de l’un des fidèles du Dr Agbéyomé KODJO, notamment Paul MISSIAGBETO?
Il ne se passe rien d’extraordinaire dans notre parti. Nos textes sont très clairs en ce qui concerne les procédures à suivre en cas d’empêchement définitif du président. Le poste de premier vice-président est vacant depuis avril 2013, ce qui a conduit à mon élection en tant que président intérimaire. Notre priorité est maintenant d’organiser le congrès statutaire dans un délai de six mois. Nous avons décidé de suspendre nos activités au sein des regroupements afin de nous concentrer sur ce congrès crucial pour l’avenir de notre parti. La démission de Monsieur Paul Missiagbéto est regrettable, mais elle ne concerne qu’une personne parmi les 18 membres du bureau politique.
Certains courants laissent entendre que vous êtes un fauteur de trouble. Qu’en dites-vous?
Compte tenu de ce que je viens de vous expliquer, il est évident que je ne suis pas un fauteur de trouble. Il n’y a pas de troubles au sein de notre parti.
Vous êtes prêt à prendre la tête de votre formation politique?
Si, lors du congrès, les militants et les cadres me demandent de prendre la tête du parti, je le ferai par devoir. Il est crucial que notre parti survive à la disparition de son président fondateur. Toutefois, je précise que je ne réclame pas le parti pour moi-même. Je suis un militant parmi d’autres, et je me mets à la disposition de notre formation pour assurer sa continuité.
Les députés de la quatrième législature ont changé la constitution togolaise de la 4ème République, modifiant le régime politique du Togo de sorte que les citoyens n’aient plus le droit d’élire leur Président de la République. Quelle analyse faites-vous de cette situation à l’approche de la fin du mandat du Chef de l’État, Faure GNASSINGBE, qui a encore le droit de candidater pour une dernière fois en 2025?
Changer le régime constitutionnel d’un pays n’est pas un problème en soi. Que l’Assemblée nationale le propose non plus. Préférer un régime parlementaire à un régime présidentiel peut même avoir des avantages démocratiques. Cependant, cette réforme a été faite en violation de certaines dispositions de la Constitution. Par exemple, elle aurait dû être soumise à référendum, ce qui n’a pas été respecté. Par ailleurs, une large concertation nationale aurait été nécessaire pour légitimer une telle réforme.
Dans cet imbroglio juridico-politique, Freedom Togo-Mouvement de Libération Nationale a été porté sur les fonds baptismaux par trois opposants au régime de Faure GNASSINGBE à Paris. Comment trouvez-vous l’initiative?
Je n’ai pas de commentaire particulier sur cette initiative. Les actions concrètes et pratiques doivent se faire sur le terrain, et non par des effets d’annonce. J’attends de voir comment ce mouvement agira concrètement.
Par quelle méthode pensez-vous que le combat politique pour l’alternance au Togo doit être mené aujourd’hui, quand on sait que toute forme de manifestation populaire est étouffée dans l’œuf et que les arrestations à caractère politique continuent?
Dans mon livre “Togo, démocratie impossible ?”, publié en 2014, j’ai déjà condamné ce régime répressif. Il est crucial que le cadre politique au Togo soit ouvert et transparent pour que tous les citoyens puissent exercer leurs droits. La légitimité politique doit se gagner dans les urnes, non par la répression. Il faut que les autorités au pouvoir ouvrent le jeu démocratique et permettent une réelle concurrence politique.
Si vous avez un mot pour clore cet entretien, qu’en diriez-vous?
Cette année 2024 a été marquée par des événements tragiques. Il est temps que tous ceux qui aiment le Togo se mobilisent pour un sursaut républicain. Les autorités actuelles doivent comprendre que, dans l’intérêt du Togo, il est nécessaire d’ouvrir une nouvelle page faite de sérénité, de tolérance et de concorde, pour que tous les Togolais puissent enfin espérer un avenir meilleur.
Source: Journal Le Détective