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Tradition dans l’air du temps : faut-il réformer le rite initiatique au Togo ?

Le débat sur la place actuelle de la tradition dans les sociétés africaines n’est pas nouveau. Il a d’ailleurs resurgi en ces temps fiévreux du « panafricanisme ». Dans les discussions formelles et informelles deux camps s’affrontent souvent : conservateurs et réformateurs encore appelés progressistes. Le Togo n’échappe pas aux forums de discussions sur les réseaux sociaux où récemment la problématique d’adaptation des rites traditionnelles à la modernité a suscité des approches de réformes de la cérémonie Adifo.

Aperçu

Les échanges ont porté sur Adifo. C’est une institution séculaire par laquelle les jeunes filles sont éduquées dans le but de devenir de bonnes épouses, de bonnes mères ou des prêtresses. Elle est un rite éducatif qui se déroule dans un couvent à travers lequel la société contrôle l’éducation des jeunes filles et les prépare à l’exercice de leurs futurs rôles sociaux féminins. Cette tradition se pratique dans une aire géographique du sud du Togo, Adangbé.

Anani Akakpo-Ahianyo, ancien enseignant chercheur à l’Université de Lomé a consacré une étude à cette dans tradition. Dans son ouvrage intitulé « Histoire des Adangbé », il renseigne que ces jeunes filles apprennent la poterie et la vannerie, l’économie domestique, la morale sociale et la morale religieuse.

« L’initiation des « Adifosi » constitue pour la jeune fille Adangbé, la porte d’entrée dans une nouvelle société, celle des adeptes d’ « Adifo ». C’est l’appartenance à une nouvelle classe sociale. Et l’initiée est intégrée dans son humanité sociale. Elle est donc née à nouveau parce qu’ayant changé de statut et familiarisée avec les normes qui cimentent la société adulte et devient par conséquent un exemple de moralité. Cette initiation est scellée par la scarification, une marque indélébile que portent les initiées », précise l’universitaire.

L’universitaire, de son côté, va au-delà d’une simple scarification. « La triple scarification consacre cette métamorphose, elle authentifie ce nouveau statut supérieur. Elle est un signe social d’appartenance à une classe d’âge supérieure et une expression pertinente du passage de la vie biologique à la mort, et de la mort à la renaissance sociale. Cette mutilation inventée par les ancêtres symbolise les transmutations invisibles afin de souligner à quel point l’« Adifosi» répond au modèle archétypal de la société, puisque le paraître exprime l’être », explique-t-il.

Tout le rite, poursuit le chercheur, « est jalonné de prières à Mawu (Ndrl Dieu Tout-Puissant), à « Adifo » et aux ancêtres souvent invoqués sous forme litanique ». « Certaines attitudes des « Adifosi » reflètent leur désir de communion avec le Tout-Puissant par le truchement d’« Adifo » l’onction fréquente durant la claustration, le port de colliers faits d’intestins prélevés sur les chèvres rituelles, les offrandes alimentaires et financières à « Adifo » et la consommation des mêmes mets que ce dernier », fait savoir Anani Akakpo-Ahianyo.

Réformes

Dans l’air du temps actuel que le continent africain traverse, il est observé la résurgence des traditions africaines. Ce renouveau culturel et cultuel porté par la ferveur d’un certain panafricanisme avec l’arrivée des putschistes aux pouvoirs dans certains pays ravive des positions voire des tensions. Comme cela a été le cas quelques jours sur une plateforme WhatsApp au Togo.

Les chantres du soudain regain de fascination pour les cultures africaines font des émules. Ces derniers n’hésitent pas à inviter à un certain passé « glorieux » des cultes ancestraux. « Ces gardiens du temple » recouvrent du poil de la bête par le vent « panafricain ». Cependant, leurs chevauchées subites rencontrent ceux qu’ils qualifient à tort ou à raison de mécréants. Ces derniers, des progressistes n’hésitent pas à faire savoir leur position. Dans la discussion sur le réseau social cité plus haut, ils proposent des réformes dans la pratique du rite initiatique Adifo.

« Je n’ai rien contre un quelconque rite initiatique. Je déplore le fait de forcer un enfant par à entrer dans un couvent pendant que ses camarades sont à l’école ou sont en apprentissage », dénonce Adjo Djokidou, une revendeuse, elle-même Adifosi. Aujourd’hui, propose l’Adifosi, « on doit trouver une formule qui ne prive pas certains de leur droit élémentaire c’est-à-dire, la scolarisation ». « Notre époque est révolue », rappelle celle qui est passée par le couvent.

Lui nous allons l’appeler Roger. Il a préféré garder l’anonymat et renchérit. « On ne peut plus priver un jeune aujourd’hui de l’école parce qu’il doit entrer dans un couvent ou suivre une cérémonie initiatique », dit-il catégorique. « La logique voudrait qu’on la fasse pendant les vacances où le concerné a le temps tant est qu’il le veuille », suggère-t-il.

Certains de ceux qui appellent à la réforme de la tradition pointent du doigt le rapt subi par des enfants au nom de la tradition. Selon eux, des adolescentes sont parfois retirées par force à leurs parents pour suivre l’initiation. Elles paient ainsi le prix des vœux que leurs familles ont fait préalablement avant leur naissance, d’après toujours les détracteurs des conservateurs.

En toile de fond du débat sur le poids de la tradition, son adaptation sur les réalités actuelles. Yao Ameyitovi, un guide spirituel basé à Lomé, la capitale togolaise, semble couper la poire en deux. « Dans les traditions, il y a des choses qui doivent rester en l’état. D’autres doivent évoluer », tranche -t-il.

Pour lui, beaucoup de traditionnalistes aujourd’hui ont compris qu’il est plus que nécessaire de déroger sur certaines règles. Le shaman déplore toutefois que certains rechignent à suivre la nouvelle dynamique qui consiste à ne plus perdre du temps à quelque dans un couvent. « Ce qui peut se faire en trois mois voire une année, pourrait l’être de nos jours en une journée, une semaine tout au plus », préconise Yao Ameyitovi.

Kossivi AMETOWOGBLONA

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