Littérature : “Ma Maison d’initiation”, ”un roman atypique”
Universitaire et critique littéraire, le Professeur Ayayi Togoata Apédo-Amah analyse le roman « Ma maison d’initiation » de Koutchoukalo Tchassim et en déduit qu’il s’agit d’ « un roman atypique », laissant « peu de place aux personnages héros comme fil conducteur de la narration ».
Lisez plutôt son observation, sans concession mais objective.
””MA MAISON D’INITIATION” de Koutchoukalo TCHASSIM, (Roman, Christon Éditions, Cotonou, 2017.)
Par Ayayi Togoata APÉDO-AMAH
“Ma Maison d’initiation” est un roman atypique de l’écrivaine togolaise Koutchoukalo Tchassim. Ce roman échappe à la linéarité textuelle, car il est composé de récits enchassés mais qui ne dispersent pas l’attention du lecteur. D’où la difficulté de le résumer. Le centre d’intérêt demeure le même jusqu’au bout, puisqu’il s’agit de la maison d’initiation, une métaphore polysémique qui oblige parfois le lecteur à décoder le texte au second degré. C’est l’école, l’université, le pouvoir, la vie politique, la religion, les rites de passage, la corruption, le droit de cuissage, etc.
Ce genre de texte, laisse peu de place aux personnages héros comme fil conducteur de la narration. C’est pourquoi les deux personnages qui se distinguent des autres comme Gorki Le Filou et Almadine, ne sont pas indispensables à la compréhension du récit ou plutôt des récits. Cette architecture textuelle fonctionne comme les tableaux dans les pièces du théâtre épique négro-africain par rapport à leur autonomie relative eu égard à l’ensemble des parties.
En littérature, un texte s’insère dans un contexte. Le contexte est le Togo, la fameuse “maison d’initiation”, qui apparaît comme une suite de cercles concentriques, dans laquelle l’auteure nous promène de l’époque de la dictature du parti unique avec ses danses d’animation et son griotisme politique jusqu’à nos jours. Toute la vie nationale est passée au crible de la critique avec ironie. Dans ce contexte, l’autocensure est de règle pour les écrivains, mais Tchassim ne bride pas trop sa liberté d’expression d’écrivaine pour délivrer son message dans un pays où tout fout le camp, où les valeurs sont égarées. Des temps douloureux d’anomie.
Le tout est dit dans un style qui mérite qu’on en parle. Tchassim recourt beaucoup aux néologismes, aux citations d’écrivains qu’elle enchasse dans son texte. Le ludisme apparaît dans la titrologie de livres d’autres auteurs pour construire ses phrases. Elle cite beaucoup en utilisant l’intertextualité. Il est évident qu’elle maîtrise l’art littéraire.
Le style est basé sur l’usage de la parataxe, des phrases sans liens logiques. L’abondance de points dans la ponctuation segmente souvent les phrases telles qu’elles doivent apparaître dans l’ordre habituel: sujet, verbe, complément, en les atomisant. J’avoue qu’en tant qu’écrivain qui use beaucoup de la ponctuation dans un autre registre, cela m’a posé un problème de souffle au niveau de la lecture. J’étais parfois obligé de m’arrêter face à la brisure de la linéarité des phrases pour reprendre du souffle. Il ne s’agit pas d’une critique mais d’un constat. J’en conclus que Tchassim a une respiration scripturale différente de la mienne. En effet, selon les écrivains, l’abondance ou la parcimonie des signes diacritiques est souvent liée à leur respiration ou à leur volonté stylistique de casser le rythme mormal de la phrase ou de l’allonger. Le style parataxique est celui de Koutchoukalo Tchassim au niveau de la construction de la phrase et de sa segmentation.
Par ailleurs, son esthétique littéraire recourt beaucoup aux effets d’accumulation des mots plus ou moins synonymes pour qualifier une même chose ou réalité. Cette accumulation est à inscrire dans sa volonté d’orienter la lecture dans le sens de l’exagération. Il y a du carnavalesque dans l’esthétique littéraire de Tchassim. Le tout contribue à l’effet d’ironie et d’humour par lequel elle pose un regard critique sur la société sans prendre de gant.
“Ma Maison d’initiation” est un roman atypique dans le champ littéraire togolais. À ce titre, il mérite d’être lu.
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13Sebastien Vondoly et 12 autres personnes
“MA MAISON D’INITIATION” de Koutchoukalo TCHASSIM, (Roman, Christon Éditions, Cotonou, 2017.)
Par Ayayi Togoata APÉDO-AMAH
“Ma Maison d’initiation” est un roman atypique de l’écrivaine togolaise Koutchoukalo Tchassim. Ce roman échappe à la linéarité textuelle, car il est composé de récits enchassés mais qui ne dispersent pas l’attention du lecteur. D’où la difficulté de le résumer. Le centre d’intérêt demeure le même jusqu’au bout, puisqu’il s’agit de la maison d’initiation, une métaphore polysémique qui oblige parfois le lecteur à décoder le texte au second degré. C’est l’école, l’université, le pouvoir, la vie politique, la religion, les rites de passage, la corruption, le droit de cuissage, etc.
Ce genre de texte, laisse peu de place aux personnages héros comme fil conducteur de la narration. C’est pourquoi les deux personnages qui se distinguent des autres comme Gorki Le Filou et Almadine, ne sont pas indispensables à la compréhension du récit ou plutôt des récits. Cette architecture textuelle fonctionne comme les tableaux dans les pièces du théâtre épique négro-africain par rapport à leur autonomie relative eu égard à l’ensemble des parties.
En littérature, un texte s’insère dans un contexte. Le contexte est le Togo, la fameuse “maison d’initiation”, qui apparaît comme une suite de cercles concentriques, dans laquelle l’auteure nous promène de l’époque de la dictature du parti unique avec ses danses d’animation et son griotisme politique jusqu’à nos jours. Toute la vie nationale est passée au crible de la critique avec ironie. Dans ce contexte, l’autocensure est de règle pour les écrivains, mais Tchassim ne bride pas trop sa liberté d’expression d’écrivaine pour délivrer son message dans un pays où tout fout le camp, où les valeurs sont égarées. Des temps douloureux d’anomie.
Le tout est dit dans un style qui mérite qu’on en parle. Tchassim recourt beaucoup aux néologismes, aux citations d’écrivains qu’elle enchasse dans son texte. Le ludisme apparaît dans la titrologie de livres d’autres auteurs pour construire ses phrases. Elle cite beaucoup en utilisant l’intertextualité. Il est évident qu’elle maîtrise l’art littéraire.
Le style est basé sur l’usage de la parataxe, des phrases sans liens logiques. L’abondance de points dans la ponctuation segmente souvent les phrases telles qu’elles doivent apparaître dans l’ordre habituel: sujet, verbe, complément, en les atomisant. J’avoue qu’en tant qu’écrivain qui use beaucoup de la ponctuation dans un autre registre, cela m’a posé un problème de souffle au niveau de la lecture. J’étais parfois obligé de m’arrêter face à la brisure de la linéarité des phrases pour reprendre du souffle. Il ne s’agit pas d’une critique mais d’un constat. J’en conclus que Tchassim a une respiration scripturale différente de la mienne. En effet, selon les écrivains, l’abondance ou la parcimonie des signes diacritiques est souvent liée à leur respiration ou à leur volonté stylistique de casser le rythme mormal de la phrase ou de l’allonger. Le style parataxique est celui de Koutchoukalo Tchassim au niveau de la construction de la phrase et de sa segmentation.
Par ailleurs, son esthétique littéraire recourt beaucoup aux effets d’accumulation des mots plus ou moins synonymes pour qualifier une même chose ou réalité. Cette accumulation est à inscrire dans sa volonté d’orienter la lecture dans le sens de l’exagération. Il y a du carnavalesque dans l’esthétique littéraire de Tchassim. Le tout contribue à l’effet d’ironie et d’humour par lequel elle pose un regard critique sur la société sans prendre de gant.
“Ma Maison d’initiation” est un roman atypique dans le champ littéraire togolais. À ce titre, il mérite d’être lu”.
Source: page Facebook de Sébastien Vondoly, directeur général de la maison d’édition Continents